Sylvain Machac invité pour faire un discours à L’ONU

A l’occasion de la journée internationale de la Conscience Sylvain Machac est invité pour partager sa recontre avec Taha. 10 minutes de discours et 2 poèmes extraits de la pièce TAHA seront dits, le premier en arabe, le deuxième en français. Cette intervention à ouvert le panel Conscience et Amour de la Paix : https://www.iofc.ch/fr/jour-conscience-2024

Nous partageons ici son discours :

(Poème dit en Arabe)

Après notre mort,
Après l’ultime battement
de paupière du cœur
Sur tout ce qu’on a fait,
Tout ce qu’on a
souhaité
Tout ce qu’on a
rêvé, désiré
Ou senti,
La haine sera

La première chose
en nous, qui pourrira.

Je vais donc vous raconter mon histoire avec Taha et plus précisément pourquoi ce texte a changé ma vie. Il faut dire que je suis sur scène depuis que j’ai 5 ans et le choix de devenir comédien s’est vraiment imposé à moi comme une évidence . Après mes études de théâtre,  j’ai perdu mon père en 2004. Je me suis ensuite enfoncé dans un tourbillon professionnel, mais après 4 ans je me suis arrêté :  j’ai senti qu’il me manquait quelque chose d’essentiel. Je décide alors de trouver du sens à ma vie en entamant un chemin vers les origines slovaques de mon père, je pars donc en Slovaquie pour rencontrer une partie de ma famille, que je ne connaissais pas. Le jour de mon arrivée à Bratislava. Je croise le regard de Zuska qui ne m’a plus quitté jusqu’à aujourd’hui ! À ce moment là, je rentre en France, mais après quelques temps, je me rends compte que ma vie est auprès d’elle. Je retourne en Slovaquie pour la rejoindre, je m’y installe. Je travaille à l’Institut français de Bratislava. Je décroche un rôle dans une série slovaque. La vie est douce. 

Après 2 ans,  et environ 250 épisodes de cette série, je ne me sens pas bien. Je vais faire des analyses :  le diagnostique tombe : insuffisance rénale chronique en phase terminale, mes reins s’arrêtent de fonctionner. Je dois rentrer en France pour me faire soigner, ma vie bascule… Je suis accroché à une machine trois fois par semaine pendant 4h. La dialyse me fatigue. Je ne me sens plus de remonter sur scène, et peu à peu, je tire un trait sur ma carrière de comédien. N’en pouvant plus de me voir comme ça, mon frère, Gil, décide de faire des tests de compatibilité, les résultats sont positifs, le 17 octobre 2017 mon frère me donne un de ses reins. Un nouvel horizon s’ouvre devant à moi, mais c’est aussi un nouvel équilibre à trouver dans ma vie, je décide d’aller chercher du sens, mais cette fois-ci, du côté des origines juives de ma maman. Il faut dire que quand elle était jeune, ma mère fréquentait des amis sionistes et j’avais toujours entendu ces récits de l’Eldorado israélien…alors, je ne sais pas pourquoi, à ce moment-là de ma vie, c’était très important pour moi d’aller en Israel pour renouer avec ma judéité.

 Un peu avant mon arrivée à Tel-Aviv. J’apprends qu’une très bonne amie qui travaillait à l’Institut français de Bratislava venait d’être mutée à l’Institut français Jérusalem-est. Elle m’accueille et le jour de mon arrivée, elle me dit  : ” il faut absolument qu’on aille au théâtre national palestinien ce soir pour voir une pièce qui a eu un succès international : TAHA , elle est jouée par son auteur : Amer Hlehel, et sera donnée exceptionnellement en anglais aujourd’hui “

Nous allons au théâtre. Je suis bouleversé. Je n’ose même pas aller voir l’auteur après la pièce, je ne dors pas pendant 3 nuits ! je rentre en France.  L’idée de partager ce texte avec le public francophone ne me quitte plus. Je finis par rencontrer l’auteur, Je lui parle de mon histoire. Nous tissons très vite des liens d’amitié forts. Il me donne les droits exclusifs pour jouer Taha en français. Je crée une structure. Je monte une équipe, je commence à apprendre le texte. J’apprends des poèmes de TAHA en arabe… 

Je suis allé en Israël, je suis revenu de Palestine. 

L’ Histoire de Taha est inséparable de celle de la Palestine, 

Taha est né dans les années 30, dans un village de Galilée, très vite, il apprend à gagner sa vie. Il est la fierté de son père. Il a le sens du commerce. Il ira à l’école 

Taha est amoureux de sa cousine. Amira, elle est son miel  son nectar, sa soie, elle et sa promise. Il l’épousera.

En 1948, Taha à 17 ans. l’État d’Israël est né, les bombes s’abattent sur son village, il doit fuir comme 750 000 Palestiniens. Taha perd sa maison, son village, son commerce, ses ambitions, sa fiancée. Il n’a plus Rien. 

Après 2 ans passés au Liban et la perte de sa sœur, il  revient en Palestine dans un pays qui n’est plus le sien. Il doit se reconstruire,  il ouvre une boutique de souvenirs à Nazareth. Commence à écrire, rassemble autour de lui une communauté de lettrés. Il devient poète.

Sans haine, Taha nous raconte l’histoire d’une résilience, celle d’un jeune palestinien brisé et qui se relève grâce à la poésie. Celle aussi d’une Palestine perdue et reconquise par les mots

Le poème que je vais vous dire maintenant arrive à la fin de la pièce. Taha à 60 ans. Nous sommes dans les années 90. Il va dire ce poème pour la première fois en public. Il est invité, pour cette occasion, à un grand festival international de poésie à Londres. La salle est comble. Les plus grands poètes et intellectuels arabes sont présents pour l’écouter…

C’est donc avec une émotion toute particulière que je vais vous dire ce poème, ici, devant vous, aujourd’hui

Vengeance ( en français )

Parfois
Je désire défier
L’homme qui a
Tué mon père
Détruit notre maison
Et qui m’a fait fuir
Dans le pays étroit
Des hommes.
S’il me tuait

Je me reposerais
Si je l’achevais
Je serais vengé !
Mais
Si je me rendais compte
Durant le duel
Que mon adversaire
A une mère

Qui l’attend
Ou un père
Qui pose sa main droite
Sur son cœur
Chaque fois que son fils
Tarde à rentrer à la maison
Ne serait-ce qu’un quart d’heure
Alors je ne le tuerais pas
Si j’étais le vainqueur
Je ne le tuerais pas non plus
Si je voyais
Qu’il a des frères et sœurs
Qui l’aiment
Et l’attendent impatiemment
Une épouse
Qui lui réserve un bon accueil
Des enfants
Qui ne supportent pas son absence
Et se réjouissent de ses cadeaux
Des amis, des proches
Des voisins, des connaissances
Des compagnons de cellule
D’hôpital

Ou des amis d’enfance
Qui tiennent à le saluer.

Mais s’il était seul
Branche coupée d’un arbre
Sans père ni mère
Ni frères ni sœurs
Ni épouse ni enfants
Ni amis, ni proches, ni voisins
Ni collègues, ni compagnons, ni confidents,
Je ne rajouterais pas
A la douleur de sa solitude

La souffrance d’une mort
Ou le chagrin d’une extermination
Mais je me contenterais
De l’ignorer
Lorsque je le croiserais dans la rue
Persuadé
Que l’ignorance
Est en soi aussi
Une sorte de vengeance !

Taha Muhammad Ali 1931-2011

Merci.

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